Lavoir à vapeur de Lagny - Paris - 20e arrondissement

 

Lavoir de Lagny - Angle Bd de Charonne et rue de Lagny

Paris - 20e

 

Au terme de la guerre franco prussienne, la bourgeoisie parisienne effectue divers investissements dans le quartier de Charonne, rattaché à la capitale depuis le Second Empire. Tel est le cas de Paul Barbe (1836-1890), industriel de la dynamite et maître de forges, qui se rend acquéreur du Lavoir de Lagny, dépendant autrefois de cet ancien village de l’est parisien. Cette acquisition illustre dans le même temps l’intérêt porté à un patrimoine en cours de modernisation et situé dans un secteur en voie de densification démographique. 

Auberge et Lavoir de Lagny

Composée d’une ancienne auberge et du lavoir proprement dit, l’origine de cette propriété est relativement connue. Elle comprend tout d’abord l’Auberge du Cheval Rouge, close de murs et s’étendant sur 17 ares, formant l’angle du boulevard de Montreuil et de la rue de Lagny[1], située sur la commune de Charonne. Avant le Second Empire, celle-ci appartient à René Claude Souchet époux de Louise Madeleine Faucheur, mariés à Charonne en 1818[2].

Demeurée veuve et résidant à Fontenay-sous-Bois[3], Louise Souchet revend la propriété en 1851. Celle-ci est alors acquise par Jean-Pierre Houdard et son épouse, née Clarisse Adélaïde Cormelié[4]. Par ailleurs, le couple est également propriétaire du Lavoir de Lagny, situé 1 rue de Lagny, sur la même commune de Charonne. Dès lors, cet ensemble patrimonial, constituant l’un des points d’ancrage du quartier, est désigné sous le terme générique de Lavoir de Lagny.

Mutation de propriété

Globalement, la famille Houdard conserve la propriété jusqu’en 1872. A cette date, l’ensemble, composé d’une maison d’habitation, du lavoir proprement dit et de son matériel d'exploitation, est mis en location par Jean-Pierre Houdard père. Il est alors loué à la demoiselle Augustine Guillaumot, pour une durée de 25 ans, commençant à courir au 1er avril 1872[5].

En août de la même année, la grande propriété Houdart, située du boulevard de Charonne à l’angle de la rue de Lagny, est toutefois démembrée en cinq lots et mise en vente judiciaire. Les deux premiers lots sont constitués de la maison et du lavoir, et le troisième d’un terrain contigu augmenté d’un puits[6]. En février 1873, adjugé sur saisie immobilière, le lavoir et la maison reviennent alors à un couple parisien, Pierre Eléonore Prudhomme et son épouse, Françoise Victorine Richardière[7].

Location par Paul Barbe - Intérêt technique

Cette mutation de propriété s’avère de courte durée. En 1874 en effet, Paul Barbe, industriel et homme d’affaires installé à Paris, également associé d’Alfred Nobel dans la fabrication de la dynamite, se rend locataire du lavoir, dont il acquiert le fonds de commerce auprès d’Augustine Guillaumot. L’intérêt de cet établissement réside alors dans sa supériorité technique, celui-ci étant notamment désigné comme « lavoir à vapeur », suivant l'annonce de sa vente.

Comprenant la clientèle et l’achalandage, ainsi que le matériel industriel servant à son exploitation, la transaction est réglée au moyen de 110 actions de 500 F chacune, entièrement libérées, émanant de la Société des Forges de Liverdun. Parmi ses diverses activités, Paul Barbe est en effet l’un des actionnaires fondateurs de cette société métallurgique, dont les usines sont situées en Lorraine et le siège fixé à Paris[8].

Dans le même temps, l’industriel reprend la location du lavoir, et notamment le droit au bail consenti pour 25 ans à la demoiselle Guillaumot. Il s’engage ainsi à payer le loyer annuel de 4000 F, confirmé par une avance de six mois de loyer, immédiatement versée au propriétaire[9].

Acquisition par Paul Barbe - Les enjeux

Fin janvier 1875, Paul Barbe se rend enfin propriétaire du Lavoir de Lagny, qu’il acquiert du couple Prudhomme, alors domicilié avenue d’Orléans à Paris. Le prix d’achat est fixé à 51 000 francs, payable en plusieurs règlements échelonnés sur les quelques années suivantes[10]. A compter du 1er juillet 1876, le lavoir est désormais loué au dénommé François Chabert pour une durée réduite à trois ans, moyennant un loyer annuel et augmenté, s’élevant à 4800 F[11].

En définitive, l’acquisition du Lavoir de Lagny constitue une opération immobilière à vocation spéculative, et l’un des premiers investissements fonciers de Paul Barbe dans la capitale. Dès 1872, presque tous les lots de la propriété Houdard sont par ailleurs constitués de terrains qui ont déjà « été entièrement fouillés pour construire », à l’exception du second lot qui l’est « en partie seulement ». En d'autres termes, le lotissement est viabilisé.

Cette initiative privée s'inscrit donc dans le cadre de la croissance urbaine et démographique de la capitale, caractérisée par une expansion et une modernisation de l’espace bâti, et un renforcement progressif du tissu urbain. A cette brève acquisition individuelle succèdent ensuite d’autres opérations immobilières sur les terrains de Paris, désormais effectuées par l’entremise de sociétés commerciales, nouvellement créées à cet effet.

Quant à l’espace de Charonne, il présente, à l’initiative de Paul Barbe et d’autres ingénieurs, l’aspect contrasté d’une vaste zone rurale et habitable progressivement parsemée d’îlots industrialisés, tels le lavoir à vapeur de Lagny, ou l’usine de ferblanterie-zinguerie établie depuis le Second Empire sur le boulevard éponyme.

E. PRACA

NOTES

[1] Cette auberge était alors située au Petit Charonne, relevant de la commune du Grand Charonne.

[2] Archives Ville de Paris, Etat civil reconstitué, V3E/M939, vue 9/51, mariage entre René Claude Souchet et Louise Madeleine Faucheur à Paris le 18-11-1816, arrondissement de Charonne.

[3] La veuve Souchet était alors domiciliée rue Notre Dame à Fontenay sous Bois.

[4] 4 et 7-8-1851, étude de Me Pellault, notaire à Fontenay-sous-Bois, actuel département du Val de Marne.

[5] 5-2-1872, bail ssp du lieu où s’exploite le lavoir de Lagny, passé entre Jean-Pierre Houdard et Augustine Guillaumot.

[6] Journal Le Temps, 2-8-182, n°4130. Annonce de vente au palais de justice « Grande propriété à Paris ». Lots 1 à 3, contenance 540 m et 425 m.

[7] 2-1873, jugement en l’audience des saisies immobilières du tribunal civil de 1ère instance de la Seine.

[8] Expédition acte de vente fonds de commerce dit Lavoir de Lagny entre Augustine Guillaumot, propriétaire, 11 rue de Châteaudun, Paris, et Paul Barbe, Etude Me Bourget, notaire à Paris. Siège de la Société des Forges de Liverdun : 39 rue de Taitbout, Paris.

[9] Bail entre Paul Barbe et Augustine Guillaumot, Etude Me Bourget notaire à Paris.

[10] Acte de vente, Etude de Me Bourget, notaire à Paris.

[11] Propriété d’une « contenance superficielle » de 891,82 m, sur laquelle existe une maison d’habitation et le lavoir proprement dit.

ICONOGRAPHIE

Archives Ville de Paris - Plan parcellaire municipal (fin XIXe s.) - 20e arrondissement - Charonne - 142e feuille - PP/11770/D - Extrait.

POUR EN SAVOIR PLUS

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Histoire - Belleville et Charonne

Industrie - Blog de COSNARD Denis - Boulevard de Charonne