L’explosion du 3 mars 1914 à la dynamiterie de Paulilles

 

En 1909, le site industriel de Paulilles (Pyrénées-Orientales), a bénéficié de la construction d’une nouvelle dynamiterie. Survenue en 1913, une importante explosion mortelle a entraîné une suspension durable du travail, se prolongeant du 29 mai 1913 au 22 janvier 1914. Moins de deux mois après la reprise d’activité, se produit toutefois une nouvelle explosion mortelle à l’atelier de pétrissage des dynamites.

Datée du 3 mars 1914, cette nouvelle explosion est cette fois encore largement relatée par la presse, qui précise les circonstances de l’accident et fournit la liste des victimes. Le Journal des débats politiques et littéraires annonce 4 morts. Le Petit Journal dénombre 6 ouvriers tués et 5 blessés. L’émotion est à nouveau palpable parmi les populations locales, certaines victimes étant des rescapés de la catastrophe précédente. Malgré un geste ministériel en faveur des familles directement atteintes, la leçon est cette fois retenue par le personnel ouvrier, qui se syndicalise au cours de la guerre 1914-1918.

E. PRACA

 

DOCUMENTS

EXPLOSION DU 3 MARS 1914 à PAULILLES

L’express du Midi – Toulouse – 4-3-1914

 

■ L'Explosion de Dynamite de Port-Vendres - Quatre ouvriers horriblement déchiquetés - Nombreux blessés

Port-Vendres, 4 mars

Hier soir, une explosion plongeait dans la consternation et le deuil le personnel de l'usine de dynamite de Paulilles. L'appareil servant à la fabrication de la nitroglycérine venait de sauter, occasionnant l’effondrement de l’atelier de pétrissage, où de nombreux ouvriers étaient employés. Après les premiers secours, on a retiré dedessous les décombres quatre cadavres affreusement mutilés.

C'est à 2 h 45 exactement que s'est produite l'explosion de Paulilles. Dans l'atelier de pétrissage, situé sur une colline, au bord de la mer, deux ouvriers étaient occupés à ce moment à prendre de la dynamite fabriquée pour la transporter dans l'atelier de cartouchage.

L'explosion fut terrible. Le baraquement a été émietté et projeté dans la mer. Deux ouvriers qui se trouvaient devant l'atelier ont disparu. On croit que les débris de leurs corps ont été projetés dans la mer. Deux autres ouvriers qui se trouvaient dans le baraquement ont été tués sur le coup. Leurscorps sont complètement déchiquetés. Deux ouvriers ont été, en outre, légèrement blessés. La catastrophe a occasionné des dégâts importants. L'explosion a été entendue à plusieurs kilomètres ; les secours sont arrivés aussitôt de Port-Vendres, avec les autorités.

Port-Vendres, 4 mars

C'est une explosion analogue à celle du 29 mai dernier qui a eu lieu hier après-midi, à trois heures, dans l'usine de Paulilles, où l'on fabrique de la dynamite. L'appareil servant à la fabrication do la nytroglycérine et au pétrissage a sauté. Dès les premières opérations de secours, on a trouvé quatre cadavres affreusement déchiquetés. On craint qu'il n'y ait de nombreux blessés.

 

L’express du Midi – Toulouse – 5-3-1914

 

■ L’explosion de Dynamite de Port-Vendres - Quatre ouvriers horriblement déchiquetés -  Nombreux blessés

Port-Vendres, 4 mars

L'explosion de dynamite qui s'est produite hier à Paulilles a été causée par un choc au moment où quatre ouvriers étaient occupés à mettre en caisse 110 kilos de dynamite qu'ils venaient de fabriquer. La force de l'explosion fut terrible. Elle projeta dans tous les sens les quatre malheureux ouvriers, dont deux, M. Dunyach, coutre-maître habitant Port-Vendres, et un sujet espagnol, M. Benadens, de Banyuls-sur-Mer, furent littéralement déchiquetés et projetés dans la mer. Quant aux autres victimes, les ouvriers Gazeilles, de Collioure, et Rigau de Banyuls, leurs corps furent retrouvés presque intacts sur la plage, au bord de la mer.

Cette catastrophe a jeté la consternation parmi les ouvriers de l'usine, car tous sont encore sous l'impression de la dernière explosion dans laquelle, le 29 mai 1903, six ouvriers trouvèrent la mort. MM. Forgas, maire de Port-Vendres, et Chiro, sous-préfet de Céret se sont rendus sur les lieux de la catastrophe.

Perpignan, 4 mars

Le ministre de l'intérieur a informé le préfet qu'il accordait un secours aux familles des quatre victimes de l'explosion de Paulilles. Les obsèques auront lieu demain.

 

Le Journal des débats politiques et littéraires du 5 mars 1914

 

 Explosion de dynamite

« A l’usine de dynamite de Paulilles, à Port-Vendres, une catastrophe due à l’explosion de deux caisses de dynamite s’est produite hier après-midi. Alors que des ouvriers qui venaient de fabriquer une certaine quantité d’explosant étaient en train de l’emballer dans des caisses, une violente détonation retentit. Par suite d’un choc occasionné par un coup de pelle, les caisses venaient de sauter. La casemate vola en éclats et quatre ouvriers furent tués.

Ce sont les nommés Joseph Dunyach, âgé de cinquante ans, réchappé de la catastrophe qui se produisit au mois de mai [1913] ; Joachim Gazeilles, âgé de trente ans, de Collioure ; José Benabens, âgé de vingt ans, et José Rigau, âgé de trente-quatre ans. Ces deux derniers sont de nationalité espagnole ; ils habitent Banyuls-sur-Mer.

On a retrouvé les corps, affreusement déchiquetés, des malheureux Gazeilles et Rigau. En ce qui concerne les deux autres, on n’a recueilli que des restes sanguinolents qui avaient été projetés à une grande distance. Les dégâts matériels sont importants.

Ce terrible accident a provoqué une émotion considérable dans la région. MM. Chiraud, sous-préfet de Céret ; Forgas, maire de Port-Vendres, et Bonnecarrère, commissaire spécial à Cerbère, se sont rendus sur les lieux de la catastrophe ».

 

La Presse du 5 mars 1914

 

L'Explosion de Paulilles - Les cadavres de deux des victimes ont été projetés à la mer

« Port-Vendres, 4 mars, L'explosion de Paulilles a été provoquée par un choc, au moment où quatre ouvriers étaient occupés, dans l'atelier de pétrissage, à mettre dans des caisses, 110 kilos de dynamite qu'ils venaient de fabriquer. La force de l'explosion fut terrible, elle projeta dans tous les sens les quatre malheureux ouvriers dont deux, M. Dunyach contremaître, habitant Port-Vendres et un sujet espagnol, M. Benadens, de Banyuls-sur-Mer, furent littéralement déchiquetés et projetés dans la mer. Quant aux autres victimes, les ouvriers Gazeilles, de Collioure, et Rigau, de Banyuls, leurs corps furent retrouvés presque intacts sur la plage, au bord de la mer.

Cette catastrophe a jeté la consternation parmi les ouvriers de l'usine, car tous sont encore sous l'impression de la dernière explosion dans laquelle, le 29 mai, six ouvriers trouvèrent la mort.
MM. Forgas, maire de Port-Vendres et Chiraus, sous-préfet de Céret, se sont rendus sur le lieu de la catastrophe ».

 

Le Petit Journal du 5 mars 1914

 

L’explosion qui s’est produite dans une fabrique de dynamite à Paulilles, près de Port-Vendres a causé quatre morts

« (Dépêche de notre correspondant). Perpignan 4 Mars. L’explosion qui s’est produite à l’usine de dynamite de Paulilles, près de Port-Vendres, qui a tué 4 ouvriers et blessé cinq autres personnes, a eu lieu dans un atelier de pétrissage situé sur une petite colline qui surplombe la baie de Paulilles. Elle a été provoquée par de la nitroglycérine.

Deux ouvriers, Joseph Dunyach et Benavent, venaient de terminer, dans un pétrin, la fabrication de cent kilos de dynamite en mélangeant de la nitroglycérine avec de la terre grasse d’Allemagne pour en atténuer les effets. Les ouvriers se disposaient à préparer encore cent kilos dans un second pétrin lorsque, soudain, une détonation effroyable se produisit, ébranlant tous les bâtiments de l’usine. En même temps, on vit une immense colonne de fumée noirâtre monter vers le ciel.

Les victimes sont : le contremaître, Joseph Dunyach, né en 1860, marié, sans enfant, demeurant à Port-Vendres : Joseph Benavent, âgé de 20 ans, célibataire, demeurant à Banyuls-sur-Mer ; Louis Gazeilles né en 1884, marié, demeurant à Collioure et Francisco Rigau, né en 1880, marié, père de deux enfants, demeurant également à Banyuls. Gazeilles, seul, est Français, les autres sont Espagnols.

Les autorités judiciaires et administratives se sont rendues sur les lieux pour l’enquête. Le travail avait été suspendu depuis la catastrophe de mai dernier et n’avait été repris que le 22 janvier dernier. Dunyach avait échappé à la catastrophe du mois de mai 1913 : il travaillait alors dans le même atelier de pétrissage et fut protégé par le pétrin qui forma guérite et le préserva des projectiles ; il ne reçut que des blessures peu graves.

Le ministre de l’Intérieur a informé télégraphiquement le préfet qu’il accordait un secours aux familles des quatre victimes. Les obsèques auront lieu demain ».

 

Le Petit Journal du 6 mars 1914

 

Après l’explosion de dynamite de Paulilles - L’enquête judiciaire a fourni ses conclusions

 

« La poudrerie de Paulilles : le quartier de l’explosion est sur la gauche du cliché »

 

« (Dépêche de notre correspondant). Perpignan 5 Mars. Je vous ai dit hier qu’une enquête judiciaire avait été ouverte pour établir nettement les causes déterminantes de l’effroyable explosion qui, à l’usine de dynamite de Paulilles, près de Port-vendres, a tué six ouvriers et en a blessé cinq autres. Le fait qu’un accident analogue, qui fit à peu près le même nombre de victimes, s’était produit l’année dernière, dans les mêmes circonstances et dans un des ateliers précédemment éprouvés, a peut-être facilité la tâche des magistrats. Quoi qu’il en soit, leur conclusion a été que l’accident doit être attribué à une décomposition des gaz dégagés par les manipulations. Vous connaissez les scènes émouvantes qui se sont déroulées lors de la reconnaissance des cadavres. Les travaux de déblaiement continuent parmi les ruines de l’atelier de pétrissage ».

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POUR EN SAVOIR PLUS

PRACA Edwige, L'explosion du 29 mai 1913 à la dynamiterie de Paulilles", site Amis de Paulilles. Rubrique Risques, section Accidents/Grèves.