Marguerite BARBE et Samuel Serge VORONOFF - Mariage - 1896

 

Serge Voronoff - Médecin - 1910

 

Fille puînée de François Paul Barbe, promoteur de la dynamite en France, Marguerite Barbe contracte plusieurs mariages successifs. Alors qu’elle est mariée très jeune, le premier mariage s’achève par un divorce en 1886, suivi d’un second divorce en 1893. Trois ans plus tard, âgée d’une trentaine d’années, elle épouse Samuel Serge Voronoff (1866-1951), jeune médecin en début de carrière. A la fois brillante et contestée, cette carrière est bien documentée par une thèse de 1990 et un article publié par la Société Française d’Histoire de la Médecine.

L’acte de mariage du couple apparaissant pour sa part moins bien connu, ses grandes lignes en sont présentées dans cet article. Ce document permet notamment de préciser l'état-civil du conjoint et, par le choix des témoins du mariage, de déterminer le réseau social auquel s'agrègent les personnages concernés : on y note la prégnance du réseau des travaux publics, dont celle d'acteurs du canal de Panama, ainsi que l'influence de l'Ecole de médecine de Paris.

Troisièmes noces de Marguerite Barbe - 1896

En 1896, Marguerite Barbe épouse en troisièmes noces Samuel Serge Voronoff, alors jeune médecin récemment diplômé. Plus précisément, Samuel dit Serge Voronoff, né à Vorogène (Russie) le 10 juillet 1866, est le fils de Abram Veniaminow Voronoff, distillateur et de Rachel Lipsky, son épouse, tous deux domiciliés à Chekhman (Russie). Reçu docteur en médecine le 7 décembre 1893, celui-ci est domicilié boulevard Montmorency à Paris et exerce à l’établissement médico-chirurgical d’Auteuil. Il est naturalisé français le 30 novembre 1895.

Serge Voronoff reçoit de ses parents leur consentement au mariage par deux actes authentiques des 10 et 13 décembre 1895. Les parents ainsi que trois aïeuls de Marguerite Barbe étant pour leur part décédés, celle-ci reçoit le consentement de son aïeule maternelle, Françoise Joséphine Febvrel, veuve de Théodore Quennec. Domiciliée à Semsales (Suisse), cette dernière lui transmet son accord par acte de Me Gillet, notaire à Châtel Saint Denis. Etabli à Paris, un contrat de séparation de biens précise les conventions du mariage.

Le mariage a lieu à Paris le 11 janvier 1896, le couple étant âgé d’une trentaine d’années. Les témoins du marié sont deux médecins reconnus : Georges Maurice Debove, âgé de 50 ans, professeur à l’Ecole de médecine de Paris, domicilié avenue de la Boétie, et Maurice Letulle, 42 ans, également professeur à l’Ecole de médecine, domicilié bd St Germain à Paris. Les témoins de la mariée sont Eugène Buisson d’Armandy, 48 ans, lieutenant colonel au 5e régiment de ligne, demeurant à Caen, beau-frère de l’épouse, et Alexandre Charles Bourdon, 48 ans, ingénieur, domicilié bd Magenta à Paris. Trois sur quatre sont décorés de la Légion d’honneur.

Trajectoires individuelles - 1896-1912

La trajectoire de l’ingénieur Charles Bourdon (1847-1933), témoin au mariage, illustre le schéma relationnel et désormais classique, tissé depuis la guerre de 1870 par l’industrie de la dynamite. Fils de constructeur mécanicien, C. Bourdon est en effet affecté durant la guerre au 10e bataillon des mobiles de la Seine puis devient sous lieutenant auxiliaire du Génie pendant le siège de Paris. Ingénieur des arts et manufactures promotion 1871, il exerce ensuite dans diverses usines de constructions navales et de construction de locomotives, et se spécialise dans la construction de matériel de travaux publics. Fondateur d’un bureau d’études, il devient en particulier ingénieur conseil de l’entreprise Couvreux et Hersent et de la Cie du canal de Panama pour les études du matériel destiné à cette entreprise. Chevalier de la légion d’honneur en 1889, il est élevé au grade d’officier comme « Ingénieur en chef des installations mécaniques de l’exposition de 1900 ». 

Portrait-charge de Serge Voronoff pratiquant une appendicectomie dans son hôpital de Choubrah.

La patiente "esquisse une danse du ventre en l'honneur des Congressistes (Congrès de Médecine spéciale aux pays chauds, au Caire, à l'initiative du Docteur Voronoff).

Professeurs et Majors étrangers viennent saluer le Maître".

Chanteclair - 1910 

    

Concomitante de son mariage avec Marguerite Barbe, la carrière de Serge Voronoff connaît pour sa part une nouvelle impulsion, liée à son établissement professionnel en Afrique. Engagé de  1896 à 1910 comme chirurgien de la cour khédivale et médecin conseil du khédive, celui-ci acquiert en effet au Caire une « fort belle position sociale, sa situation officielle et influente l'autorisant à donner un élan moderne à la médecine en Egypte ». En 1902, il y est notamment promoteur du Premier Congrès Egyptien de Médecine, axé sur la médecine tropicale. Il développe ensuite de nouveaux champs de la médecine et de la chirurgie coloniales, exprimés en termes de formation du personnel et de promotion des procédés chirurgicaux.

Fabrication de l'histoire médicale de l'Egypte

Chronologiquement, le mariage entre Marguerite Barbe et Serge Voronoff perdure de 1896 à 1912. Après le retour d’Afrique en 1910, ce troisième mariage est en effet dissout par un jugement de divorce prononcé fin 1912 par le tribunal de la Seine. Articulé au tournant du XXe siècle, ce mariage souligne en définitive deux aspects de la Belle Epoque. Aux sommets gouvernementaux, il illustre l’intervention française dans la fabrication de l’histoire médicale de l’Egypte au début du XXe siècle. Sur un autre plan, il illustre également le lien durable existant entre dynamite et travaux publics, de la guerre de 1870 aux années 1910, en passant par les travaux de Panama et l’exposition universelle de 1900. Deux illustrations de l’expérience capitaliste, tendant l’une et l’autre à la modernisation des moyens de production, et soulignant l’influence des élites, liées de près ou de loin à l’essor et à l'actionnariat d’une industrie devenue majeure : celle de la dynamite.

E. PRACA

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SOURCES

Archives de la Ville de Paris : mariage Voronoff/Barbe.

BIBLIOGRAPHIE

AUGIER F., SALF E. et NOTTET J.B., Le Docteur Samuel Serge Voronoff (1866-1951) ou "la quête de l'éternelle jeunesse" , in Histoire des Sciences médicales, Organe officiel de la Société Française d’Histoire de la Médecine, tome XXX, 1996, p.163 et sq, mise en ligne par BIU Santé, Paris Descartes.

POUR EN SAVOIR PLUS

PRACA E., Marguerite BARBE et Ernest DUPUY - Premier mariage - 1878, Site Amis de Paulilles, Rubrique Administration/Patronat.

PRACA E., Pauline Barbe et Eugène Sylvestre Buisson d'Armandy - Mariage - 1878, Site Amis de Paulilles, Rubrique Administration/Patronat.