Celluloïd – Texte de la Société Nobel Française – 1953

 

 Blocs de celluloïd comprimé - Découpage en feuilles

 

En 1953, la Société Nobel Française fait éditer un agenda destiné à sa clientèle à l’occasion de la nouvelle année. Elle y insère un article relatif à la production de celluloïd dans ses usines. Destiné au grand public, ce texte présente tout d’abord un bref historique rappelant l’invention et l’intérêt du celluloïd, suivi d’une première partie rappelant les principales étapes de la fabrication. Sont ensuite présentées les caractéristiques de la matière ainsi que la variété de ses applications pratiques. En dernier lieu, la société expose les différentes facettes de sa production en feuilles et en joncs.

L’industrie du celluloïd est alors en régression en raison de la découverte de nouvelles matières plastiques : ce texte s’inscrit donc dans le cadre de la publicité que la société entend mener pour le maintien de son secteur d'activité. Il en est de même pour l'évocation du nombre des incendies sur les sites industriels. La société en minimise ainsi la portée, dans la mesure où inversement, le celluloïd est réputé pour son inflammabilité et surtout pour la vitesse de propagation de ses incendies accidentels.

Les paragraphes liés aux procédés de fabrication conservent néanmoins tout leur intérêt, et expriment la réalité d’une société assujettie à la multiplication des objets en celluloïd, dont l’usage se répand en raison de la facilité de moulage et d’impression de la matière. Se dessine dès lors une manière de vivre au quotidien dominée par l’omniprésence des matières plastiques et dont l’environnement, à la fois industriel et domestique, illustre dorénavant la place prépondérante occupée par l’industrie chimique. 

E. PRACA

 

DOCUMENT

Fabrication du celluloïd par la Société Nobel Française

1953

 

« La Société Nobel Française compte au nombre de ses différentes activités une importante fabrication de celluloïd et sa réputation dans la production de cette matière plastique n’est plus à établir auprès des utilisateurs.

Historique

Une des usines de la Société Nobel Française, encore en activité, a été établie, dès 1875 par les frères Schmerbeer, fondateurs de la Compagnie Franco-Américaine devenue par la suite, la Compagnie Française du Celluloïd ; depuis cette époque, des chimistes et des ingénieurs se sont succédés, chacun d’eux ajoutant son expérience à celle de ses prédécesseurs.

Le celluloïd est l’une des plus anciennes matières plastiques artificielles. Il a été créé en 1868 par John Wesly Hyatt, lauréat d’un concours doté de 10 000 dollars, institué pour la recherche d’une matière artificielle destinée à remplacer l’ivoire dans la fabrication des boules de billard.

La présentation du celluloïd, en plaques, tubes, bâtons et fils, la gamme des teintes qu’on peut lui donner depuis l’incolore cristal jusqu’au noir, ainsi que la combinaison des dessins les plus variés permettant les imitations parfaites des matières naturelles, ont fait que le développement du celluloïd a pris une très grande extension.

Fabrication du celluloïd

 

Fabrication du celluloïd

 

Le produit principal entrant dans la composition du celluloïd est la cellulose qui existe dans presque tous les végétaux et se trouve à l’état à peu près pur dans les fibres de coton blanchi. Le bois est une cellulose associée à la lignine (lignocellulose) aussi, suivant la qualité de celluloïd qu’on désire obtenir, on utilise l’une ou l’autre de ces celluloses.

La cellulose est immergée dans un mélange d’acide sulfurique, d’acide nitrique et d’eau. Il se produit une réaction chimique au cours de laquelle une partie des oxhydriles contenus dans la cellulose est remplacée par un groupe d’éléments constitué d’azote et d’oxygène donnant un produit connu sous le nom de nitrocellulose.

Après essorage, la nitrocellulose est lavée, puis stabilisée, opération très importante qui a pour but d’empêcher sa décomposition ultérieure, décomposition qui pourrait atteindre une allure explosive. Après stabilisation la nitrocellulose est soigneusement homogénéisée puis égouttée et séchée, ou, le plus souvent, déshydratée à l’alcool.

Le but recherché au cours de la fabrication de la nitrocellulose entrant dans la fabrication du celluloïd est la limitation du taux d’azote qui doit être d’environ 10,5% pour avoir une bonne solubilité dans l’alcool.

Le celluloïd est en effet un gel de nitrocellulose et de camphre. Pour réaliser ce gel, il faut dissoudre l’un et l’autre produit dans un solvant commun qui est l’alcool ordinaire. Cette opération se fait dans un malaxeur d’où l’on retire une masse plastique partiellement gélatinisée.

Dans le malaxeur on a également introduit des plastifiants chargés de colorants nécessaires qui varient suivant les qualités du celluloïd  qu’on veut obtenir.

Après une filtration qui a pour but d’homogénéiser la masse et de retenir les impuretés, on passe au laminage, opération qui a pour but d’éliminer l’excès de solvant et de parfaire l’homogénéité de la masse : c’est aussi au cours de cette opération qu’il est procédé à un certain nombre de façonnages.

Le pressage qui est ensuite effectué dans une presse à blocs a pour but d’achever la gélatinisation de la nitrocellulose par le camphre sous l’influence de la chaleur et de la pression.

La dernière opération avant séchage est, pour les plaques et les bâtons tranchés, le tranchage qui s’effectue au moyen de raboteuses.

Après séchage, les feuilles de celluloïd sont redressées dans une presse hydraulique à plateaux chauffants et, ensuite, s’il y a lieu, le polissage s’effectue dans d’autres presses dites à polir, du même type que les presses à redresser ; les feuilles sont disposées entres des plaques de cuivre nickelées, quelquefois argentés, lesquelles sont placées entre deux cartons ou feutres formant tampon.

Les tubes et les joncs non tranchés sont obtenus dans des presses à filer dites « Stuffings ».

Caractéristiques et utilisations du celluloïd

Le celluloïd est peu hygrométrique et grâce à son élasticité, il est très résistant : peu de produits, surtout parmi les matières plastiques, se travaillent avec autant de facilité et suivant une diversité de procédés aussi simples.

Sa capacité d’allongement, la température à laquelle il se moule, sa résistance aux chocs, à l’eau, permettent de le travailler dans tous les cas sans précautions spéciales ; l’état hygrométrique de l’air et la température ambiante ont une influence négligeable, ce qui explique que l’on arrive à un bon résultat même avec des installations rudimentaires.

Le découpage se fait au simple couteau à détailler et même par temps froid et sec, le celluloïd se coupe sans écailler. Pour les formes que l’on ne peut découper au couteau, on se sert d’emporte-pièces en acier forgé que l’on place dans une petite presse à choc manœuvrée à la main ou sous une presse à genouillère, actionnée mécaniquement.

Dans la fabrication des peignes on procède par coupage à la fraise et par entre-coupage. Le celluloïd peut être percé, tourné et fraisé avec la plus grande facilité.

Son moulage se fait à chaud, de façon à utiliser au maximum sa capacité d’allongement qui peut atteindre 600% à 140°. Le chauffage se fait soit à l’eau chaude soit à la plaque chauffante. C’est par ce dernier procédé que sont obtenus les montures de lunettes moulées, les peignes moulés et les manches de brosses à dents ainsi que de nombreux autres objets.

D’autres articles, comme les jouets (bébés, poupées, animaux) sont obtenus par soufflage à la vapeur ou à l’air chaud.

Le celluloïd est utilisé très souvent pour le revêtement de pièces cylindriques telles que : volants d’automobiles, guidons et pompes de bicyclettes, bâtons de ski, manches de parapluies.

Le collage du celluloïd sur lui-même s’effectue facilement au moyen de colle à base d’acétone, ce qui facilite son utilisation particulièrement dans la fabrication des boîtes, coffrets, plaques d’accumulateurs etc…

La décoration sur celluloïd permet toutes fantaisies ; il s’imprime facilement, aussi est-il utilisé couramment pour la fabrication des calendriers de poche et quelquefois des cartes à jouer.

Le celluloïd prend un beau brillant très résistant, par ponçage ou polissage au tampon. Ce polissage, loin de s’atténuer avec le temps, s’accroît au contraire à l’usage.

On a reproché souvent au celluloïd son inflammabilité ; ce défaut a été exagéré car le celluloïd, bien stabilisé, ne s’enflamme pas spontanément et risque encore moins d’exploser. L’expérience démontre qu’il faut qu’il soit exposé 4 à 5 heures à une température de 145° pour qu’il se produise une décomposition accélérée, et encore cette décomposition se produit-elle généralement sans flamme : c’est ainsi que la plupart des moulages du celluloïd se font à la température de 130 à 140°, sans aucun inconvénient. Les statistiques démontrent que, pour l’année 1936, en France, sur 2.967 incendies, deux seulement ont eu lieu dans des fabriques d’objets en celluloïd.

En raison de ses nombreuses qualités, il est certain que le celluloïd bien qu’étant une des plus anciennes matières plastiques artificielles conservera parmi celle-ci une place prépondérante.

Présentation du celluloïd de la Société Nobel Française

Le format normal des feuilles de celluloïd produites par la Société Nobel Française est d’environ 125 cm x 60 cm avec un minimum garanti de 124 x 59 ; en aucun cas les feuilles ne dépassent le format 128 x 63.

Sur commande spéciale et pour certaines références, généralement en minces épaisseurs, il peut être fait un grand format d’environ 135 x 60 avec minimum garanti de 133 x 59 ; et maximum de 139 x 63.

Les feuilles livrées polies ont un format plus réduit car elles doivent être généralement affranchies après polissage.

Les épaisseurs usuelles vont de 15/100 de millimètre à 120/10 de millimètre ; pour certaines qualités, la matière pour fleurs ou le transparent par exemple, on peut descendre jusqu’à 10/100 de millimètres.

Les matières transparentes, c’est-à-dire sans aucune charge, pèsent environ 105 à 110 grammes par dixième de millimètre dans le format normal de 125 x 60 et 115 à 120 grammes dans le format 135 x 60. Pour les autres matières, le poids augmente progressivement avec les charges pour atteindre jusqu’à 135 grammes dans le format normal.

Les références sont fabriquées avec un minimum de mise en fabrication de 120 à 140 kgs. Pour les références translucides et transparentes, la couleur est fonction de l’épaisseur ; il faut donc, suivant l’épaisseur demandée, modifier la formule de chaque bloc. Dans ces conditions, le minimum de mise en fabrication est de un bloc par épaisseur ou par groupe d’épaisseurs de même formule. De plus, pour certains façonnages, il est nécessaire de mettre en fabrication 2, 3, 4 et même 5 blocs à la fois. Le délai de fabrication est au minimum de 8 jours, correspondant au temps de mise en route, de fabrication et de vérification.

De plus, certains façonnages exigent encore un délai supplémentaire important.

L’expédition ne s’effectue qu’après séchage dont la durée est approximativement, pour les plaques de : 1 jour par dixième de millimètre jusqu’à 20/10, 1 jour ½ par dixième de millimètre entre 20 et 50/10, et 2 jours par dixième de millimètre pour les épaisseurs supérieures à 50/10.

L’épaisseur rigoureuse ne peut être garantie, une certaine tolérance est nécessaire. Elle augmente avec l’épaisseur et est d’environ 2 centièmes de millimètres pour les épaisseurs de 15 à 20 centièmes de millimètre ; au-dessus, elle est sensiblement égale à 8% de l’épaisseur. La tolérance est généralement appliquée moitié en plus, moitié en moins, sauf sur demande expresse ; dans ce cas, la tolérance peut être appliquée soit entièrement en dessus, soit entièrement en dessous de la cote demandée.

De même, il n’est généralement pas possible de livrer exactement le poids commandé. Une tolérance de 10% en plus ou en moins du poids commandé doit être admise à la livraison et pour les matières de fabrication très délicates comme le celluloïd destiné au façonnage des fleurs, cette tolérance atteint 20%.

Les joncs celluloïd sont obtenus dans les diamètres de 15/10 à 170/10 par augmentation de diamètre de 5 en 5 dixièmes ; toutefois, seuls sont de dimensions courantes les diamètres 20, 25, 30, 35, 40, 45 et 50 dixièmes. La longueur courante des joncs tranchés est comprise entre 1 mètre 19 et 1 mètre 25.

 Pour évaluer le poids des joncs, on estime que le poids en grammes d’une longueur de 1 mètre est le carré du diamètre exprimé en millimètres. Exemple : un jonc 40/10 pèse environ 4 x 4 = 16 grammes par mètre.

Ce court exposé montre que la fabrication du celluloïd est délicate. Les fabricants spécialisés depuis de longues années dans cette branche et ayant acquis une grande expérience sont seuls à même de livrer du celluloïd de qualité irréprochable ».

 

_________________________________________

 

SOURCES

Société Nobel Française, article "Celluloïd", in Agenda de 1953, archives privées.

BIBLIOGRAPHIE

En complément :

DETULLE François, "Comment se fabrique le celluloïd", revue La science et la vie, 1921.

POUR EN SAVOIR PLUS

PRACA E., Jules Schmerber et les sociétés de celluloïd en Europe - 1879-1909, Site Amis de Paulilles, rubrique Administration/Patronat.

PRACA E., Poupées en celluloïd de la Société Nobel Française - 1953, Site Amis de Paulilles, rubrique Productions.