Nitroglycérine à Paulilles - Consignes particulières de la nitration - 1956
Appareils à nitrer Nathan - Equipement et cliché Nobel
A la dynamiterie de Paulilles, la fabrication de la nitroglycérine se fait par le procédé Nathan qui a été mis au point en 1901 et a perduré jusqu’en 1962. Cette fabrication s’exécute par le lent versement de la glycérine dans un appareil en plomb contenant un mélange d’acides sulfurique et nitrique. Formé d’une cuve cylindrique surmontée d’un couvercle en tronc de cône, cet appareil est complété par un ensemble de tuyaux de départ et d’arrivée assurant la circulation des produits nécessaires à la fabrication. Comme l’indique la consigne, ces tuyaux et vannes sont peints de différentes couleurs et, pour conduire la fabrication, l’ouvrier chargé de la nitration observe un certain ordre dans la procédure en suivant les couleurs.
Sans entrer dans le détail, les principaux organes de sécurité de la machine se composent d’un grand thermomètre fiché au centre de chacune des cuves de nitration, et d’un robinet destiné à un éventuel noyage de la nitroglycérine en cours de fabrication, en cas d’augmentation excessive de la température du mélange (au-delà de 24-25 degrés). Le risque d’explosion de la nitroglycérine est en effet lié à une augmentation anormale de cette température et en cas de noyage de la nitroglycérine consécutif à ce danger, les consignes sont la fuite, après alerte par la sirène d’alarme de l’usine. Les ouvriers doivent se réfugier dans les abris ménagés dans les épais merlons ceinturant les ateliers de fabrication.
En amont de la fabrication se déroulent des opérations quotidiennes de contrôle menées par le responsable des nitreurs. Un certain nombre de ces opérations préalables se déroulent la nuit, auxquelles s’ajoute un contrôle hebdomadaire des circuits de refroidissement le samedi, réunissant la hiérarchie de l’usine, représentée par le chef nitreur, le chef de fabrication et le chef de service des machines. Les consignes particulières de la nitration soulignent à nouveau l’importance de la gestuelle, l’interdépendance entre les différents acteurs de la production, et les risques liés tant à la présence d’acides résiduaires dans ce procédé de fabrication qu’à celui, plus général, de la décomposition spontanée de la nitroglycérine.
En 1956, la quantité maximale de nitroglycérine pouvant être fabriquée à l’atelier de nitration s’élève à 1400 kg à la fois. Il est établi à Paulilles vingt exemplaires des consignes particulières se rapportant à cette fabrication, qu’il convient de rapprocher de celles, relativement analogues, édictées dans les années 1930. Le volume de personnel diminue toutefois avec l’accroissement du volume de production et en 1956 à Paulilles, le nombre maximum d’ouvriers est limité à quatre aux ateliers de nitration.
E. PRACA
DOCUMENT
Usine de Paulilles
Consignes particulières de la nitration
Nitroglycérine[1] : Quantité maximum : 1400 Kg
Personnel maximum : 4
I - Précautions préliminaires
Le Chef nitreur doit vérifier chaque nuit, en arrivant, la pression de l'air comprimé, le fonctionnement de l'éclairage de secours, le contenu des réservoirs à eau chaude et eau froide, vérifier que la cuve de noyage soit convenablement remplie et enfin purger les conduites d'air comprimé pour les débarrasser des traces d'huile et d’eau.
Tous les samedis une épreuve de résistance des serpentins à saumure sous une pression de 3 Kg sera effectuée en présence du Chef de Fabrication, du Chef Nitreur et du Chef de Service des Machines[2].
Manoeuvre des acides
Le nitreur avant chaque nitration évacuera des appareils les acides résiduaires qui les remplissent et s'assurera avant d'introduire la charge de mélange nitrant, que les dispositifs de noyage fonctionnent régulièrement ainsi que les dispositifs de sirène d'alarme.
Nitration
Quantité de nitroglycérine autorisée : 1400 kg
Outils utilisés durant la marche : Eprouvettes, densimètre et thermomètres.
II - Instructions pour la nitration proprement dite
(Reproduction du panneau peint en gros caractères devant les appareils à nitrer NATHAN-BIAZZI).
Nitreurs vous devez :
1°) - Introduire de l'acide neuf dans l'appareil (peinture verte)
2°) - Ouvrir la saumure et l'air comprimé avant la glycérine (peinture noire)
3°) - Armer les vannes d'agitation de la cuve de noyage et celle de noyage à distance (peinture rouge)
4°) - Avant d'ouvrir la glycérine, faire baisser la température du thermomètre de noyage automatique à +10° (peinture verte)
5°) - Fermer l'interrupteur de noyage automatique (peinture noire)
6°) - Nitrer devant vos thermomètres et à côté des vannes de réglage (peinture rouge)
7°) - Maintenir la température du bain nitrant au-dessous de 25° (peinture verte)
8°) - Noyer l'opération et évacuer l'atelier en cas de danger (peinture noire)
9°) - Noyer aussi à distance par les robinets des couloirs d'évacuation (peinture rouge)
Pour éviter autant que possible de répandre de la nitroglycérine sur le sol et dans le cas où celle-ci aurait été accidentellement répandue, nettoyer immédiatement avec de l’eau carbonatée chaude les endroits souillés après avoir absorbé à l'aide d'une éponge la plus grande partie de nitroglycérine.
Il est formellement interdit de commencer une opération dans un appareil qui n'aura été au préalable débarrassé de la nitroglycérine provenant de l'opération précédente.
Tout fait anormal qui serait observé doit être signalé par le Chef Nitreur au Chef de Fabrication de la Dynamite et par ce dernier au Directeur de l'Usine.
Toute manoeuvre compromettant la sécurité de la dynamiterie aura pour sanction le licenciement immédiat de celui qu'il aura effectué.
Le Chef de Fabrication de la Dynamite et le Chef Nitreur sont spécialement chargés de veiller à la stricte exécution des prescriptions de la présente consigne.
III - Consignes d'alarme
Plancher supérieur : En cas de noyage annoncé par la trompe d'alarme ou en cas de tout autre menace de danger, le personnel en service à l'atelier de nitration (partie supérieure) devra fuir par le tunnel supérieur et gagner l'abri construit dans le merlon. Il demeurera dans cet abri jusqu'à ce que la menace de danger ait cessé d'exister.
Plancher inférieur : En cas de noyage annoncé par la trompe d'alarme ou en cas de tout autre menace de danger, le personnel en service à l'atelier de nitration (partie inférieure) devra se porter rapidement à l'abri construit dans le merlon qui sépare les ateliers de nitration et de filtrage.
Orage : En cas d'orage fermer portes et fenêtres et terminer l'opération en cours et ne pas en commencer une autre.
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SOURCES
« Consignes particulières. Usine de Paulilles. Consignes particulières de la nitration », document dactylographié, 2 p. Archives privées.
BIBLIOGRAPHIE
PRACA Edwige, Les procédés de fabrication de la dynamite. 1870-1984. Usine de Paulilles. Conservatoire du Littoral Languedoc-Roussillon, vol. 3, Perpignan-Montpellier, 2002, partie "Equipement technique. Commentaires et iconographie".
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