Dynamite de Paulilles - Achille BRÜLL (1836-1911) administrateur

 

Achille Brüll - 1836-1911

 

Né le 10 juillet 1836 dans le second arrondissement de Paris, Achille Brüll est le fils de Wolf Brüll, exerçant le métier de tailleur, et d’Estelle Spire. Elève à l’Ecole Polytechnique (1855-1857)[1], issu de la même promotion que Paul Barbe (1835-1890), ce diplômé de Polytechnique est tout d’abord ingénieur dans les mines et les travaux publics.

Auteur de travaux documentaires sur la dynamite, matière qu’il expérimente lors de la guerre de 1870, il est promoteur des premiers prototypes de dynamiteries parisiens, créés lors du siège de la capitale. Collaborateur de Nobel, il devient directeur de la première Société de Paulilles (1870-1873) puis administrateur de la Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite à compter de 1875, et l'un des fondateurs de la Société Centrale de Dynamite en 1887.

Achille Brüll, ingénieur civil des mines et travaux publics

Tout d’abord inspecteur du matériel aux chemins de fer du Nord (1857-1860), ensuite attaché à la Direction générale de la Cie des chemins de fer du Nord de l’Espagne, côté Bayonne (1861-1864), il devient directeur des mines de houille d’Auchy-aux-Bois, dans le Pas-de-Calais de 1865 à 1868.

Dès 1869, la notoriété d’Achille Brüll est parfaitement établie dans la presse scientifique. Auteur de divers articles dans les Annales industrielles, il devient en cette fin d’année, l’un des deux chroniqueurs correspondants des Annales, lors la traversée inaugurale du canal de Suez. Accompagné d’Emile Gaget, ingénieur aux travaux du percement du canal maritime[2], il figure parmi les soixante-six passagers du navire le Péluse, transportant les membres de la compagnie de Ferdinand de Lesseps, dont le triomphe est désormais assuré[3].

Achille Brüll, promoteur de la dynamite en 1870

De retour à Paris, Achille Brüll achève la rédaction d’une étude documentaire relative à la dynamite, soumise aux Annales Industrielles en juin 1870. Basée sur des documents anglais et surtout allemands relatifs à la dynamite Nobel, cette étude est destinée à la promotion du nouvel explosif et fait l’objet d’un tiré à part édité à Montpellier en 1871[4].

 

Notice sur la dynamite, par A. Brüll, Montpellier, 1871

 

Dans l’intervalle, durant la guerre franco-prussienne, Achille Brüll participe à la défense de la capitale au grade de capitaine d’artillerie. Auditionné par les commissions gouvernementales de la République en raison de ses écrits et de ses connaissances sur la dynamite, il devient l’initiateur des deux petites dynamiteries établies près de Paris à l’automne 1870, l’une au bassin de La Villette, l’autre aux Carrières d’Amérique[5]. Lieutenant de canonniers volontaires lors du siège, expérimentant sur le terrain les effets de la dynamite, il commande enfin le corps des canonniers dynamiteurs, dernier des corps de canonniers volontaires constitué à Paris en janvier 1871[6].

Achille Brüll, directeur de la première Société de Dynamite de Paulilles (1870-1873)

Parallèlement aux dynamiteries parisiennes, est établie la dynamiterie de Paulilles, édifiée entre Port-Vendres et Banyuls, dans les Pyrénées-Orientales. Issue d’un ordre de mission de Gambetta du 31 octobre 1870, elle résulte d’un projet de Paul Barbe, capitaine d’artillerie, présenté devant la commission scientifique siégeant à l’antenne gouvernementale de Tours. Dans le cadre de cette nouvelle fondation, Achille Brüll est alors nommé directeur de la Société de Dynamite de Paulilles, première société liée à la création de cette dynamiterie méridionale (1870-1873).

Au retour du monopole d’Etat des fabrications d’armement, rétabli par le gouvernement de Thiers (juin 1871) et malgré l’interdiction légale qui lui est faite, Achille Brüll maintient l’activité sur le site, jusqu’à la fermeture provisoire de l’entreprise en 1873. En 1874, il est dépositaire de provisions d'honoraires pour travaux à y effectuer, reçus par l'intermédiaire de l'entrepreneur de travaux publics A. Mialane, futur administrateur de la Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite .

De fait, au terme de la guerre franco-prussienne et dès les débuts de la reconstruction, la dynamite connaît de nouveaux débouchés, dans l’industrie civile et les travaux publics. Défenseur avec Paul Barbe des intérêts de la société, auteur de nombreux articles contestant le retour au monopole d’Etat de la fabrication d’armement, Achille Brüll est dès lors soutenu  par un nombre croissant d’ingénieurs civils et de politiciens. Dans l'intervalle, il devient également l'un des fondateurs, avec Paul Barbe, de la fabrique de dynamite d'Isleten, en Suisse.

Achille Brüll, administrateur de la Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite

En France, par dérogation au monopole d’Etat, une loi du 8 mars 1875 autorise finalement l’industrie privée à fabriquer de la dynamite. Le 17 juin de la même année est créée la Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite, au capital de 3 000 000 de francs, fondée pour la reprise d’exploitation de la fabrique de Paulilles.

Placée sous la présidence d’honneur d’Alfred Nobel et présidée par Baptiste Barbe-Schmitz, la société a pour administrateur-délégué, Paul Barbe fils. Achille Brüll y figure également comme l'un des  administrateurs membre du bureau, chargé dans un premier temps du contrôle de la comptabilité. Il est alors remplacé dans ses anciennes fonctions de directeur de société par l’ingénieur Louis Roux, en congé des Poudres et Salpêtres (1823-1904), devenu directeur général de la nouvelle Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite[7].

En 1887, il est enfin l'un des fondateurs et apporteurs lors de la création de la Société Centrale de Dynamite.

Achille Brüll, membre de comités scientifiques

Membre de la Société des Ingénieurs civils de France à compter de 1858, Achille Brüll en est secrétaire en 1864-1865, puis intègre le Comité de la société de 1868 à 1876 et à nouveau en 1878[8]. En 1872, il fait partie des instances dirigeantes de cette société d'ingénieurs, lorsque Alfred Nobel y est lui-même admis comme sociétaire.

Nommé vice-président en 1877, fonctions qui lui sont renouvelées en 1879-1882 et 1884-1886, A. Brüll obtient le prix annuel de la société en 1884, et en assure la présidence en 1887, année de fondation de la Société Centrale de Dynamite.

Auteur de nombreux travaux sur les mines, la mécanique, d’études industrielles sur les chemins de fer miniers en Algérie et en Espagne et sur la fabrication du ciment, il est par ailleurs directeur de publications scientifiques, administrateur de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale.

Membre du jury d’admission de l’exposition universelle de 1889, il est également vice-président du Comité d’organisation du Congrès des Mines et de la Métallurgie tenu lors de la même exposition internationale. Pour mémoire, ce congrès débute par un exposé sur les lampes de sûreté et sur l’emploi des explosifs dans les mines de grisou, et s’achève par un banquet au premier étage de la tour Eiffel, nouvellement inaugurée[9].

Elevé le 17 mars 1891 au grade de chevalier de la Légion d’honneur par décret du ministère des Travaux Publics, Achille Brüll, promoteur de la dynamite en France, initiateur des premières dynamiteries françaises et de leurs sociétés, reconnu pour son engagement scientifique et industriel, décède à son domicile 117 boulevard Malesherbes à Paris, le 31 mai 1911, à l’âge de 74 ans.

E. PRACA

 
 

SOURCES
 
PRACA Edwige, « L’usine de Paulilles et l’innovation de la dynamite ». Conférence le 4-3-2011, Hall Guy Malé, Conseil Général Pyr.-Or., Perpignan, cycle 2011 de la SASL.

PRACA Edwige, « Formes et limites de l'engagement dans l'effort de guerre. Un exemple : la naissance de l'industrie de la dynamite en France (1870-1871)». Conférence le 5-5-2011, Université de Perpignan, 136e Congrès national des Sociétés Historiques et Scientifiques : Faire la guerre, faire la paix.

PRACA Edwige, « Les débuts de l’usine de Paulilles ». Conférence le 3-2-2012, Amis du Vieux Canet, Théâtre Jean Piat, Canet-en-Roussillon.

 
POUR EN SAVOIR PLUS
 
 
PRACA Edwige, Patronat et direction de la dynamiterie de Paulilles en 1870, Site "Amis de Paulilles", Rubrique "Administration", sous-partie "Patronat".
 
PRACA Edwige, Implantation de la dynamiterie de Paulilles - 1865-1875 - Histoire, in Le site de Paulilles à la croisée des chemins de l'histoire internationale et de l'histoire locale. 1865-1875, Conservatoire de l’Espace littoral, Région Languedoc-Roussillon, Montpellier, vol. 2, 2002.
 
 


 

NOTES

[1] Sauf mention contraire, la base de cet article est constituée par le dossier LH d’A. Brull : AN, dos. LH 379/50.

[2] A.N. Dossier LH Jean Baptiste Emile Gaget : L.H.1051/56.

[3] GAGET Emile  et BRULL Achille, « Chronique. Inauguration du canal de Suez », Annales Industrielles, 1ère année, 1er décembre 1869, 25e livraison, p. 769-772 et 1ère année, 10 décembre 1869, 26e livraison, p. 801-803.

[4] BRULL Achille, Notice sur la dynamite, sa composition, ses propriétés explosibles, Extrait des Annales industrielles, Montpellier, typographie de Boehm et fils, 1871.

[5] Dictionnaire encyclopédique et biographique de l’industrie et des arts industriels, t. 4, D-E, 1881-1891, p.480.

[6] LEFEVRE O., chef de bataillon du Génie, attaché à l’état-major de la 2e armée de Paris, Note sur l’organisation des canonniers dynamiteurs formés par M. Brüll.

[7] A.N. Et/CVII/991, délib. 1ère A.G. du 17-6-1875, déposée chez Me Bourget, notaire à Paris, le 12-7-1875. Sur le directeur de la société Louis Roux, cf PRACA E., Le site de Paulilles à la croisée des chemins de l'histoire internationale et de l'histoire locale. 1865-1875, Montpellier, 2002, Annexes.

[8] Sur les fonctions de A. Brüll à la Société des ingénieurs civils de France : Fascicule décennal publié en 1930. Annexe des annuaires de 1930 à 1940, Paris, 1930, p.152. Il est vice-président de la Société des ingénieurs civils en 1877.

[8] Ministère du Commerce, de l’Industrie et des Colonies, Exposition universelle internationale de 1889, Direction générale de l’exploitation, Congrès international des mines et de la métallurgie tenu à Paris du 2 au 11 septembre 1889, Procès verbaux résumés, Paris, Imprimerie nationale, 1889.