Dynamite de Paulilles. Le métier d'escorteur: un métier à risques

 

A ses origines, le transport de la dynamite de Paulilles est susceptible d’être effectué selon trois modes distincts : route, chemin de fer et navigation. En attendant la résolution de la question du transport par chemin de fer, intervenant en 1879, le transport des matières explosives se fait de deux manières : « par charroi » et « par bateaux et navires »[1]. Conformément à une législation instituée à compter de 1875, un personnel spécifique est alors chargé d’escorter la dynamite, lors de son transport par voie de terre.

Dans un premier temps, il s'agit de détachements de gendarmerie, nommés par ordre des préfets lorsque ceux-ci autorisent la traversée de leurs départements par les convois de dynamite. Des convoyeurs agréés sont ainsi nommés, et leurs fonctions sont ensuite étendues au transport de la dynamite par chemin de fer. L’escorte accompagnant la dynamite issue de l’industrie privée devient dès lors une escorte civile ; elle demeure militaire pour les explosifs de l’Etat. Postérieurs à 1885, quelques exemples concernant la première catégorie de ce personnel se rapportent à la dynamiterie de Paulilles.

Escorte civile de la dynamiterie de Paulilles

Concernant la fabrique des Pyrénées-Orientales, certains patronymes figurent notamment dans la série Z des archives départementales, dans la partie des fonds relatifs à la sous-préfecture de Céret. La législation prévoit en effet que le personnel d’escorte soit agréé par arrêté préfectoral et qu’il prête serment devant le juge de paix local.

A la dynamiterie de Paulilles est ainsi engagé François Vilarem, cultivateur, né et domicilié à Banyuls sur Mer. Celui-ci est nommé « pour escorter et garder jusqu’au départ des trains les convois de dynamite qu’il se propose d’expédier ». Agréé par la préfecture le 2 novembre 1886, il prête serment devant le juge de paix du canton d’Argelès-sur-Mer[2].

Une autre mention est celle de Dominique Jean Joseph Payrou, nommé « garde particulier à la surveillance de l’usine de Paulilles et pour le convoi de la dynamite ». Sa nomination intervient par arrêté du 17 mars 1899, et figure au sein des registres de la sous-préfecture de Céret (n°441).

Une troisième mention concerne François Bonaventure Solane, 43 ans, né à Banuyls-sur-Mer le 11 juin 1856, devenu « garde particulier à la surveillance de l’usine et des convois ». Agréé par arrêté du 22 janvier 1900, il figure dans les mêmes listes d’archives (n°479)[3].

Le métier d’escorteur : un métier à risques

Au-delà de ces quelques mentions[4], ce personnel particulier devrait faire l’objet d’un relevé systématique, notamment en ce qui concerne le transport par voie de terre. Celui-ci permettrait dans un second temps le recensement des accidents liés non plus à la fabrication, mais au transport des matières explosives. Le poste de convoyeur constitue de fait une fonction à risques, liée tant à la longueur qu’à la lenteur des trajets terrestres.

Les premiers convoyeurs connus, autres que ceux mentionnés ci-dessus, sont d’ailleurs victimes de tragiques accidents, dont les archives privées de la Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite ainsi que la presse, se font l’écho. L’explosion la plus notoire est celle du fort de Joux, survenue en 1877[5]. Modernisé par Joseph Joffre en 1871, ce fort jurassien a bénéficié d’une restauration après sa destruction partielle, et a été classé au titre des monuments historiques en 1996[6].

Ainsi les premiers transports d’explosifs par voie de terre renseignent-ils sur la destruction de biens, autant que sur celle de personnes.

E. PRACA



[1] Archives de la société, A.G. ordinaire du 23 octobre 1878.

[2] ADPO, 8S170.

[3] ADPO, 1Z2. Sous-préfecture de Céret. Registre des arrêtés.

[4] Voir par ex. autre mention in ADPO, 1Z2, n°400, 1915.

[5] Voir articles spécifiques.

[6] Article Wikipedia : Fort de Joux. Peu de mentions cependant de l’explosion de 1877.

 

BIBLIOGRAPHIE

PRACA E, Les trafics commerciaux. Usine de dynamite de Paulilles, Conservatoire du Littoral Languedoc-Roussillon, étude n°5, Perpignan, 2004.