Société de secours mutuels de l'usine de Paulilles - Statuts - 1885

 

Inscrite au répertoire mutualiste des Pyrénées-Orientales sous le n° 111, la Société de secours mutuels de l’Usine de Paulilles est une mutuelle patronale, autorisée par décision ministérielle du 22 juillet 1885. Transformée en société « approuvée »  en 1936, elle est dissoute en 1941 et définitivement rayée du répertoire départemental le 24 juillet 1954.

Le document ci-dessous reproduit les premiers statuts manuscrits transmis en préfecture des Pyrénées-Orientales en 1885. Afin d’obtenir l’autorisation de fonctionnement, ces statuts initiaux sont ensuite complétés de mentions légales concernant notamment la nationalité française du conseil d’administration, l’interdiction de tout discours politique ou religieux, l’obligation d’un compte rendu annuel à l’autorité compétente et l’interdiction de modification statutaire sans autorisation préfectorale.

Une mutuelle familiale

Constituée dès l'origine en mutuelle familiale, la société a pour objet de fournir les soins médicaux et les médicaments à ses adhérents salariés malades, ainsi qu’à leurs femmes et enfants âgés de moins de quinze ans, domiciliés chez eux et ne travaillant dans aucun autre établissement. Elle fournit par ailleurs une indemnité journalière en cas de maladies ou de blessures survenues à l’usine. Elle participe enfin aux frais de funérailles et accorde aux veuves et orphelins un « secours extraordinaire » déterminé par le conseil d’administration. La société n’aborde pas les questions d’accouchement, et n’accorde pas de secours en cas de chômage involontaire de ses membres.

Une mutuelle patronale

Initialement présidée par Siegfried Singer, nouveau directeur de l’usine à compter de 1884, la mutuelle est administrée par un conseil d’administration de sept membres dont quatre sont nommés et trois élus. Parmi les membres nommés figurent le directeur faisant office de président ainsi que trois employés désignés par ses soins. Parmi les éligibles figurent trois chefs ouvriers et quatre ouvriers, dont deux délégués sont ensuite choisis en leur sein. A la tête du conseil d’administration, le président bénéficie en outre d’une voix prépondérante,

Au XIXe siècle, la mutualité, de caractère facultatif, constitue la seule organisation chargée de la protection collective de la main d’œuvre. Rapidement, la mutuelle de Paulilles apparaît peu favorable aux ouvriers. Les critiques portent sur la faiblesse des secours apportés, comparativement aux risques encourus par les salariés. En cas de maladie, les adhérents y sont admis après six mois de présence, et perçoivent après un préavis de quatre jours, la moitié de leur salaire durant trois mois.

Avec la création de la mutuelle, la direction qui avait auparavant seule la charge des dépenses d’accident, réaliserait selon les reproches qui lui sont faits, une économie de 50% grâce aux cotisations des ouvriers. Cette critique s’apparente dès lors à celle émise à l’encontre des caisses patronales de l’industrie minière dans le département.

 

E. PRACA

 

Document

Société de Secours mutuels de l'Usine  de Paulilles

Statuts - 1885

 

But de la société et sa Composition

Article 1er

La société a pour but

1 - de donner les soins du médecin et les médicaments aux sociétaires malades, ou à leurs femmes et enfants âgés de moins de 15 ans, domiciliés chez eux et ne travaillant dans aucun autre établissement.

2 - de payer une indemnité journalière en cas de maladie ou blessures, pendant une durée de trois mois au plus.

3 - de pourvoir aux frais de funérailles des Membres de la Société.

4 - d'accorder à la veuve ou aux orphelins un secours extraordinaire déterminé par le Conseil d'administration.

Article 2ème

Font partie de la Société tous ceux qui sont employés à l'usine à titre quelconque (hommes ou femmes).

Article 3ème

Un certificat du médecin constate leur état sanitaire. Le médecin est choisi par le Conseil entre les docteurs exerçant dans la localité. De même le pharmacien est choisi au mieux des intérêts de la société.

 

Conditions générales

Article 4ème

Les blessés ou malades doivent prévenir de suite leur chef de service. On leur délivre un bon indiquant l'époque de la cessation du travail et signé par un Délégué du Conseil.

Le malade présente ce bulletin au médecin qui apporte son visa et au pharmacien pour recevoir les médicaments. Le second visa du médecin indique le jour où l’ouvrier peut reprendre le travail. À dater de ce jour l'ouvrier n'a plus droit à aucun secours.

Article 5ème

Les cas de blessures ou maladies provenant de rixe ou inconduite ne donnent droit à aucun secours.

Article 6e

Lorsque les secours auront été donnés pendant trois mois consécutifs, l'ouvrier n'aura plus droit aux secours pécuniaires sauf décision contraire prise par le Conseil d'administration.

Article 7e

Les indemnités pour maladie sont payées chaque samedi au taux suivant :

Chefs ouvriers : 2 fr. par jour

Ouvriers et ouvrières gagnant plus de 3 francs par jour : 1,50 fr. par jour

Ouvriers et ouvrières gagnant moins de 3 francs par jour : 1 fr. par jour.

Article 8e

Les femmes des ouvriers auront droit, en cas de maladie seulement, au secours du médecin et des médicaments ; les enfants également, pourvu qu'ils remplissent les conditions de l'article 1er.

L'ouvrier dont la femme est malade, se fait délivrer par son chef de service, un bulletin sur lequel le médecin indique les dates du commencement et de la fin de la maladie. Après six semaines de soins, les femmes et les enfants n'ont plus droit aux médicaments.

Article 9e

L'associé n'a droit aux secours en argent de la caisse qu’après six mois consécutifs de présence à l'usine. Il perd son droit au secours au cas où il quitte l'usine et ne peut rien réclamer sur les sommes versées.

Toutefois les anciens ouvriers et ouvrières, en rentrant à l'usine après les chômages réguliers, s'il y en a, ne sont pas astreints au stage de six mois.

Article 10e

Pendant le chômage, les ouvriers présents à l'usine continuent seuls à verser, et par suite, à participer au secours de la caisse.

Article 11e

Une maladie de moins de quatre jours ne donne pas droit à l’indemnité. Sont exceptés les cas de blessures pendant le travail.

Article 12e

Tout sociétaire qui se fait soigner par un autre médecin que celui désigné par le Conseil, prendra les frais de traitement à sa charge ; sa maladie devra être affirmée par le médecin de l'usine, sans le certificat duquel il n'aura pas droit à l'indemnité.

 

Ressources de la société

Article 13e

La caisse est alimentée

1 - par une retenue mensuelle de 2 % sur le salaire.

2 – par les intérêts des sommes en caisse, calculés à raison de 5 % et établis suivant compte trimestriel.

3 – par les dons volontaires.

4 - par une contribution de la Société Générale égale à 1 % des salaires

5 - par les amendes infligées aux ouvriers.

Article 14e

Le comptable de l'usine fait gratuitement le service de la Caisse de secours.

 

Administration

Article 15e

La Caisse de secours est administrée gratuitement par un Conseil formé du directeur, de 3 employés qu'il désigne, de 3 chefs ouvriers et 4 ouvriers élus suivant dispositions indiquées article 18.

Article 16e

Les membres élus restent en fonctions un an.

Au renouvellement chaque chef ouvrier ou ouvrier présente un bulletin portant sept noms dont trois de chefs ouvriers et quatre d'ouvriers.

Le scrutin est fait par les plus anciens employés, chefs ouvriers et ouvriers faisant partie de l'ancien Conseil.

Ceux qui ont réuni le plus grand nombre de voix sont élus. En cas d'égalité des suffrages le plus âgé est élu.

Les ouvriers choisissent deux délégués, parmi les Membres élus.

Article 17e

Le Conseil se réunit chaque mois, il est rendu compte par le comptable de la situation de la Caisse, et des dépenses et recettes du mois. Après la séance, cette situation est affichée dans l'Usine.

Il est tenu un registre des délibérations du Conseil.

Article 18e

Les décisions du Conseil sont définitives et sans appel.

Elles sont prises à la majorité des voix et valables pourvu que le nombre des membres présents soit au moins de sept.

La voix du Président est prépondérante en cas d'égalité de suffrages.

Article 19e

En cas de suspension de la Société, le Conseil statuera sur l'emploi de l'argent en caisse.

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SOURCES

ADPO, 86W15.

BIBLIOGRAPHIE

PRACA Edwige, Les sociétés de secours mutuels et leur union dans les Pyrénées-Orientales (XIXe-XXe siècles), ed. Mutualité Française P.O.-Trabucaire, Perpignan 2000, p.68.